Une destination de rêve, la piscine bleue tout contre le gazon impeccablement soigné. Une ambiance ensoleillée de vacances, le calme. Un lieu où n’importe qui rêve d’aller.
J’ai récolté ces images comme des souvenirs personnels. Au départ, je les ai travaillées en noir et blanc, elles sont vues comme au travers d’un filtre, celui du rêve ou du fantasme. Puis la couleur est apparue, elle est venue habiter ces peintures, plus propice à incarner mon désir.
Le vert. Il envahit le tableau. C’est la couleur-protagoniste de cette série. Je pourrais me réapproprier ce passage des Misérables de Victor Hugo, où l’écrivain romantique décrit la nature puissante et sensuelle – un jardin abandonné, où Jean Valjean et Cosette ont trouvé refuge : « Ce jardin n’était plus un jardin, c’était une broussaille colossale, c’est-à-dire quelque chose qui est impénétrable comme une forêt, peuplé comme une ville, frissonnant comme un nid, sombre comme une cathédrale, odorant comme un bouquet, solitaire comme une tombe, vivant comme une foule ».
Les couleurs se fondent les unes dans les autres : le vert Véronèse, le vert émeraude ou le vert anglais s’étalent dans la piscine, s’installent sur les chaises longues, l’eau bleue turquoise coule sur le gazon.
Comme dans les rêves, on est submergé par une sensation forte, qui va jusqu’à nous paralyser: nous sommes à la limite du malaise. Les encres sont irréversibles, le papier boit beaucoup, ce qui crée un « impressionnisme » c’est-à-dire une absence de netteté. Je pose la couleur, l’efface; je grave le papier, le frotte comme si c’était une peau, je l’incise, « j’entre dans la matière » comme disent les graveurs.
La végétation sert d’exutoire, donne le rythme au dessin : ce sont des coins de nature désordonnés et déserts, que l’homme semble avoir quitté depuis peu.
Albertine Trichon 