par E. T-Milsani
Les écrans lumineux tissés récemment par Albertine Trichon semblent faire leur apparition au bout d’un chemin traversé à toute allure : comme s’il a fallu, par un élan irréversible, brûler tout ce qui, au visible, relève du détail ou de l’anecdote.
Qu’il s’agisse de paysages urbains, ou de campagne, de paysages debout, plats, vallonnés, plantés, touffus, sauvages ou domestiqués, continentaux ou maritimes, c’est toujours la même rage qui les secoue, la même marée qui les inonde.
Des coups de pinceau hardis, des lignes violentes, des tâches de toutes les tailles et de toutes les formes que des gestuelles inventives et audacieuses ont produites, et qui tendent à former une maille dense aléatoire et imprévisible.
Le réel qui jadis fut une information, voire une sensation forte, est parfaitement digéré dans ces écrans lourds de couleurs vivantes bien que peu naturelles.
Pourtant en regardant ces morceaux de toiles fulgurants, ces tableaux d’organisation à la fois provocante et savante, nous avons le sentiment que ce réel oublié, rejeté, est un revenant qui avance vers nous, nous sollicitant d’une façon autre, comme un souvenir transfiguré, comme une anamnèse à rebours.